L’adoption rapide de l’IA générative transforme les processus internes des entreprises suisses, augmentant l’efficacité des équipes et la qualité des livrables. Pour autant, cette innovation n’apporte pas une sécurité intrinsèque : l’ajout de modèles de langage dans vos chaînes de développement ou vos outils métiers peut ouvrir des brèches exploitables par des attaquants sophistiqués. Face à des menaces telles que l’injection de prompts malveillants, la création de deepfakes ou le détournement d’agents autonomes, une stratégie proactive de cybersécurité devient indispensable. Les directions informatiques doivent désormais intégrer des contrôles rigoureux dès la conception et le déploiement de solutions GenAI pour protéger données et infrastructures critiques.
Évaluer les risques de l’intelligence artificielle générative avant intégration
Les modèles de langage ouverts et propriétaires peuvent contenir des vulnérabilités exploitables dès leur mise en production sans tests adaptés. Sans évaluation approfondie, l’injection de prompts malveillants ou les mécanismes de contournement d’authentification deviennent des points d’entrée pour les attaquants.
Risques d’injection de code
Les LLM exposent une surface d’attaque nouvelle : l’injection de code. En manipulant soigneusement les prompts ou en exploitant des failles dans les wrappers API, un attaquant peut déclencher l’exécution non autorisée de commandes ou l’exploitation de processus système. Les environnements d’intégration continue (CI) et de déploiement continu (CD) deviennent vulnérables si les prompts ne sont pas validés ou filtrés avant exécution.
Dans certaines configurations, des scripts malveillants injectés via un modèle peuvent être propagés automatiquement à divers environnements de test ou de production. Cette propagation clandestine compromet la chaîne complète et peut conduire à l’extraction de données sensibles ou à l’escalade de privilèges. Un tel scénario montre qu’il n’existe pas de sécurité native avec GenAI.
Pour se prémunir, les organisations doivent mettre en place des passerelles de filtrage et de validation des prompts. Les mécanismes de sandboxing des environnements d’apprentissage et d’exécution sont également essentiels pour isoler et contrôler les interactions entre l’IA générative et le système d’information.
Deepfakes et usurpation d’identité
Les deepfakes générés par des services IA peuvent porter atteinte à la réputation et à la confiance. En quelques minutes, un document, un message vocal ou une image falsifiée peut être produit avec un réalisme troublant. Pour une entreprise, cela signifie un risque élevé de fraude interne ou externe, de chantage ou de désinformation orchestrée contre les dirigeants.
Les processus d’authentification basés uniquement sur la reconnaissance visuelle ou vocale sans vérification croisée deviennent obsolètes. Un attaquant peut par exemple créer un clone vocal d’un cadre dirigeant pour valider une transaction financière ou modifier un contrat. Les systèmes de détection de deepfake, bien qu’en progrès, nécessitent un enrichissement constant des jeux de données de référence pour rester efficaces.
Il est crucial de renforcer les contrôles par biométrie multimodale, de coupler l’analyse comportementale des utilisateurs et de maintenir une chaîne de traçabilité fiable pour chaque interaction IA. Seule une approche multicouche garantira une véritable résistance face aux deepfakes.
Contournement d’authentification
L’intégration de la GenAI dans des portails d’assistance ou des chatbots d’entreprise peut offrir des raccourcis de connexion risqués. Si les mécanismes de session ou de jeton ne sont pas robustes, un prompt bien conçu peut permettre de réinitialiser ou de falsifier des identifiants d’accès. L’IA, lorsqu’elle est sollicité dans des workflows sensibles, peut contourner les étapes d’authentification si celles-ci sont partiellement automatisées.
Dans un cas observé, un chatbot interne reliant des bases de connaissances et des systèmes RH a permis la récupération de données d’employés sans authentification forte, simplement en exploitant la logique de génération de réponses. Les attaquants ont utilisé cette vulnérabilité pour exfiltrer des listes d’adresses et planifier des campagnes de spear phishing.
Pour remédier à ces risques, il convient de renforcer l’authentification via MFA, de segmenter les flux d’information sensibles et de limiter les capacités de génération et de modification de données par les agents IA non supervisés. Une revue régulière des logs permet également de détecter toute anomalie d’accès.
La chaîne d’approvisionnement logicielle est fragilisée par l’IA générative
Les dépendances de modèles tiers, bibliothèques open source et API externes peuvent introduire des failles critiques dans vos architectures. Sans audit et contrôle continus, les composants IA intégrés deviennent des vecteurs d’attaque et compromettent la résilience de votre SI.
Dépendances de modèles tiers
De nombreuses entreprises importent des modèles génériques ou spécialisés sans évaluer les versions, les sources et les mécanismes de mise à jour. Les failles présentes dans un modèle open source non patché peuvent être exploitées pour insérer des backdoors dans votre pipeline de génération. Lorsque ces modèles sont partagés entre plusieurs projets, le risque de propagation est maximal.
Une mauvaise gestion des licences open source et des versions peut également exposer l’organisation à des vulnérabilités connues depuis des mois. Les attaquants recherchent systématiquement les dépendances vulnérables pour déclencher des exfiltrations de données ou des attaques de supply chain.
La mise en place d’un inventaire granulaire des modèles IA, couplée à un processus automatique de vérification des mises à jour et des correctifs de sécurité, est indispensable pour prévenir ces scénarios à haut risque.
Vulnérabilités dans les API
Les API de services GenAI, qu’elles soient internes ou fournies par des tiers, exposent souvent des points d’entrée mal configurés. Un paramètre mal filtré ou une méthode non restreinte peut permettre l’accès à des fonctions de debug ou d’administration non destinées aux utilisateurs finaux. L’augmentation de la bande passante et des appels asynchrones rend la détection d’anomalies plus complexe.
Dans un cas rencontré, une API de traduction automatique enrichie par un LLM permettait d’interroger directement les bases de données internes, simplement en combinant deux endpoints. Cette vulnérabilité a été exploitée pour extraire des tables complètes de données clientèle avant d’être détectée.
Un audit de tous les endpoints, une segmentation stricte des droits et l’ajout de WAF intelligents capables d’analyser les requêtes GenAI sont des mesures efficaces pour durcir ces interfaces.
Revue de code et audits IA
La complexité des modèles de langage et des pipelines de données exige une gouvernance rigoureuse. Sans processus de revue de code spécialisé IA, incluant l’analyse statique et dynamique des artefacts, il est impossible de garantir l’absence de vulnérabilités cachées. Les tests unitaires traditionnels ne suffisent pas à couvrir les comportements émergents des agents génératifs.
Par exemple, une entreprise de logistique basée à Bâle a découvert, après un audit externalisé, qu’un script de fine-tuning comportait un import obsolète exposant un des pods de ML à une corruption de données malveillantes. Cet incident a entraîné une interruption de service de plusieurs heures et une campagne de red team en urgence.
Mettre en place des cycles d’audit réguliers, combinés à des simulations d’attaque ciblées, permet de détecter et de corriger ces failles avant qu’elles ne soient exploitées en conditions réelles.
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Les agents IA augmentent la surface d’attaque : maîtriser les identités et le cloisonnement
Les agents autonomes, capables d’interagir directement avec vos systèmes et API, multiplient les vecteurs d’intrusion. Sans attribution d’identités techniques distinctes et cloisonnement strict, ces agents peuvent devenir des portes dérobées invisibles.
Identités techniques et permissions
Chaque agent IA déployé doit disposer d’une identité technique unique et d’un périmètre de droits précisément défini. Dans un contexte sans MFA ou sans token court, un simple compromis de clé API permet à l’agent malveillant d’accéder à l’ensemble de vos ressources cloud.
Une société de services logistiques en Suisse romande a par exemple vu un de ses agents planifier des transferts de fichiers automatisés vers un stockage externe, simplement parce qu’une politique trop permissive lui permettait d’écrire sur un bucket non restreint. Cet incident a révélé l’absence de séparation des rôles et de quotas d’accès pour les entités IA.
Pour éviter ces dérives, il est impératif d’appliquer le principe du moindre privilège, de limiter les tokens à une durée de vie minimale et de renouveler systématiquement les clés d’accès.
Cloisonnement et micro-segmentation
La segmentation de votre réseau et la création de zones de sécurité dédiées aux interactions IA sont essentielles. Un agent ne doit pas pouvoir communiquer librement avec toutes vos bases de données ou vos systèmes internes. Le micro-segmentation network permet de limiter les mouvements latéraux et d’endiguer rapidement une éventuelle compromission.
Sans cloisonnement, une compromission d’agent peut se propager à l’ensemble des micro-services, notamment dans les architectures de type micro-frontend ou micro-backend. Les environnements de staging et de production doivent également être strictement isolés pour éviter les fuites croisées.
La mise en place de firewalls applicatifs par micro-segment et l’intégration de politiques de trafic zéro confiance constituent des garde-fous efficaces.
Journalisation et traçabilité
Chaque action initiée par un agent IA doit être horodatée, attribuée et stockée dans des journaux immuables. Sans un SIEM adapté aux flux IA, les logs risquent d’être noyés dans le volume et les alertes peuvent passer inaperçues. La corrélation entre activités humaines et actions automatiques est cruciale pour investiguer en cas d’incident.
Dans le cas d’une attaque de type “living off the land”, l’attaquant utilise les outils internes fournis aux agents. Sans traçabilité fine, il devient quasiment impossible de distinguer une opération légitime d’une opération malveillante. Des solutions de monitoring comportemental enrichies d’IA peuvent détecter les anomalies avant qu’elles ne deviennent critiques.
Enfin, l’archivage des logs dans un environnement hors ligne garantit leur intégrité et facilite les analyses post-incident et les audits de conformité.
Intégrer la sécurité GenAI dans votre architecture et votre gouvernance
Une stratégie de sécurité IA doit couvrir à la fois la conception technique et la gouvernance, de la phase de PoC à la production.
Associer bonnes pratiques d’architecture modulaire et cadres de red teaming IA renforce la robustesse de votre SI face aux menaces émergentes.
Intégration des bonnes pratiques de sécurité IA
Au niveau de l’architecture logicielle, chaque module de génération doit être encapsulé dans un service dédié, doté de contrôles d’entrée et de sortie stricts. Les bibliothèques de chiffrement, de filtrage des prompts et de gestion des tokens doivent être placées en couche transverse pour standardiser les processus de sécurité.
L’utilisation de conteneurs immuables et de fonctions serverless permet de réduire la surface d’attaque et de faciliter les mises à jour. Les pipelines CI/CD doivent inclure des tests de fuzzing sur les prompts et des analyses de vulnérabilités dédiées aux modèles IA.
En adoptant une architecture hexagonale et des interfaces well-defined, vous limitez les dépendances circulaires et facilitez l’intégration de contrôles de sécurité à chaque étape du déploiement.
Cadre de gouvernance et red teaming IA
Au-delà des aspects techniques, la mise en place d’un cadre de gouvernance IA est cruciale. Il s’agit de définir des rôles et responsabilités claires, des processus de validation des modèles et des politiques de gestion des incidents spécifiques à l’IA générative.
Les exercices de red teaming, simulant des attaques ciblées sur vos workflows GenAI, permettent d’identifier les points de rupture. Ces simulations doivent couvrir l’injection de prompts malveillants, l’abus d’agents autonomes et la corruption de chaînes de données.
Enfin, un comité de gouvernance regroupant DSI, RSSI et parties prenantes métier garantit une vision partagée et un pilotage continu des risques IA.
Gestion des droits et validation des modèles
Le cycle de vie des modèles IA doit être encadré : de la sélection des jeux de données de fine-tuning à la mise en production, chaque étape nécessite des revues de sécurité. Les droits d’accès aux environnements de formation et de test doivent être restreints aux profils indispensables.
Un registre interne des modèles, incluant méta-données, performances et résultats d’audits, facilite la traçabilité des versions et la réponse rapide en cas d’incident. Les processus de retrait et de remplacement d’un modèle doivent être définis pour éviter toute interruption prolongée des services.
En combinant ces pratiques, vous réduisez significativement les risques et accroissez la confiance dans vos déploiements GenAI.
Sécurisez votre IA générative avec une stratégie proactive
Face aux nouveaux risques de l’IA générative, seule une approche globale associant audits, architecture modulaire et gouvernance agile garantit une protection efficace. Vous avez vu l’importance d’évaluer les risques avant intégration, de contrôler votre supply chain IA, de cloisonner les agents et de structurer votre cadre de gouvernance.
Chaque organisation doit adapter ces principes à son contexte, en s’appuyant sur des solutions sécurisées et évolutives. Les experts d’Edana sont à votre disposition pour définir ensemble une feuille de route sécurisée et contextuelle, couvrant de la phase de PoC à l’exploitation en production.